« On vous appellera »
Toulouse, chambre des comparutions immédiates, octobre 2023
Michel B. comparait pour avoir volé un véhicule et pour l’avoir ensuite conduit alors qu’il avait consommé de la cocaïne et que son permis était suspendu.
— Vous reconnaissez à peu près les faits. Qu’avez-vous à dire ?
— Je me suis retrouvé SDF, j’ai tenté plusieurs approches, j’ai demandé de l’aide, je suis allé au centre social et puis j’ai vu cette voiture. Je pouvais rentrer dedans sans rien casser, juste pour dormir. Je n’ai rien dégradé. Je voulais la rendre.
Il explique être à la rue depuis qu’il s’est séparé de sa compagne.
— J’ai dormi à l’hôtel pendant 10 nuits. Mais à 60 € par nuit, je ne pouvais plus. Je suis parti sur Albi en espérant retravailler, pour arrêter les bêtises.
— Ce ne sont pas des « bêtises », ce sont les enfants qui font des bêtises. Ce sont des infractions. Vous faites état de problèmes pour vous loger et pour vous nourrir, mais vous trouvez le moyen d’acheter de la cocaïne.
— C’est exceptionnel, septembre c’est très dur, c’est le mois du décès de mon père, de mon frère, l’anniversaire de ma fille de neuf ans que je ne vois plus.
La présidente est très sceptique :
— En 2022, vous aviez déjà été condamné pour avoir conduit sous stupéfiant. Et vous voudriez nous faire croire que vous ne consommez qu’exceptionnellement !
— Mais en 2022, c’était du cannabis.
— Eh bien, c’est de la drogue, c’est interdit.
La magistrate lit les douze mentions de son casier judiciaire, des affaires de vols ou de stupéfiants pour la plupart, dont certaines remontent à une vingtaine d’années. Elle commente avec un air de reproche :
— Beaucoup de sursis avec mise à l’épreuve et d’injonctions de soins. Ce sont autant de mains qui vous ont été tendues. La dernière peine date d’avril, vous avez été condamné pour des faits similaires à 9 mois de sursis probatoire avec une obligation de soins pour ses addictions.
— Mais je n’ai jamais été contacté, alors que j’ai vraiment besoin d’accompagnement. Le juge de l’application des peines m’a dit : « On vous appellera. » Mais rien.
La présidente est embêtée :
— Peut-être qu’ils ont essayé de vous contacter mais n’ont pas réussi à cause de changements d’adresse ?
— Non, j’ai toujours le même numéro de téléphone.
Un peu gênée, la présidente lit l’avis lapidaire que le JAP s’est tout de même autorisé à donner. Il considère que la mesure est un échec et recommande la révocation totale du sursis.
La présidente fait rasseoir Michel B. et donne la parole à la procureure pour ses réquisitions :
— J’entends bien les drames qui ont émaillé votre parcours. Mais en avril vous avez été condamné pour des faits similaires. Cela interroge sur le sens que vous donnez aux condamnations judiciaires précédentes. Vous dites que vous avez besoin de soins et de soutien ? On vous l’a donné. Le sursis simple et le sursis probatoire sont des mesures de faveur qu’on vous a accordées malgré les nombreuses condamnations sur votre casier. Mais en six mois, il y a eu deux passages à l’acte. Le temps de la clémence est passé et nous sommes obligés de dresser un constat d’échec.
Elle requiert six mois de prison et le maintien en détention. Elle demande également la révocation de quatre mois de sursis sur les neuf.
L’avocat de Michel B. prend la parole pour sa défense :
— C’est une délinquance de subsistance sur un fond de misère sociale qui montre les difficultés contextuelles. Monsieur vit une période de déshérence sociale depuis plusieurs mois. Par ailleurs il est de santé fragile. En 2018 il a été hospitalisé pendant 11 mois à la suite d’un arrêt cardiaque. Il est en invalidité depuis le mois de janvier. Son état de santé est-il compatible avec la détention à la prison de Seysses ? Quant au sursis probatoire d’avril 2023, 6 mois après, rien n’a été mis en place alors qu’il est en demande. Et pourtant le juge d’application des peines est favorable à sa révocation ! C’est assez dégueulasse ! Michel B. a une piste pour un logement à partir du 20 octobre : vous pourriez donc envisager la détention à domicile. Cela aurait plus de sens que les dix mois de prison demandés par madame le procureur.
Les trois juges se lèvent et partent délibérer. À leur retour, la présidente annonce la peine : Michel B. est condamné à six mois de prison ferme avec mandat de dépôt et le sursis probatoire est révoqué à hauteur de deux mois.
Elle tient à s’expliquer :
— On veut bien croire que le suivi n’a pas été mis en place. Mais la première obligation d’un sursis probatoire est de ne pas commettre de nouvelle infraction. Et vous pouviez vous-même mettre en place des démarches par rapport à ces soins.
Michel B. est emmené. À la fin de l’audience, il partira pour 8 mois à la prison de Seysses.