Toulouse, chambre des comparutions immédiates, novembre 2024.
Ousman F., 23 ans, comparait dans le box. Le président lui demande immédiatement s’il a un travail.
— Non.
— De quoi vivez-vous alors ?
— Secret !
Le président n’a l’air qu’à moitié surpris :
— Très bien, on en restera là.
Ousman F. a mis le feu à la voiture de sa mère et l’incendie s’est propagé à deux autres véhicules. Le président signale aussitôt que, même si le parquet n’a pas réussi à joindre un expert psychiatre avant l’audience, une expertise est selon lui absolument nécessaire, ce qui impliquerait un renvoi.
— Je vous pose la question : voulez-vous un délai pour préparer votre défense ?
— Non.
— Vous voulez être jugé tout de suite ?
— Oui !
— Vous estimez que vous n’avez pas besoin d’expertise psychiatrique ?
— Non.
C’est au tour de la procureure de donner son avis sur le renvoi et la question de l’expertise. Elle confirme que le parquet a essayé de joindre 15 experts différents ce weekend. En revanche elle précise aussitôt :
— Monsieur n’est pas un majeur protégé, la présence d’une expertise n’est pas obligatoire à strictement parler. Ce pourrait être intéressant de le juger maintenant.
Le président reprend les éléments de personnalité. Le prévenu a un petit casier : des TIG pour une vieille affaire de stupéfiant et un abus de confiance en mars 2024.
— L’enquête sociale rapide ne nous apprend rien puisque monsieur n’a pas souhaité répondre.
Reste à savoir quoi faire de lui si l’affaire est renvoyée en attendant l’expertise psy. La procureure demande le maintien en détention, ce qu’elle justifie en déployant tous les artifices du Code de procédure pénale : il s’agirait tout à la fois de l’empêcher de faire pression sur les témoins et les victimes, en l’occurrence sa mère ; de garantir sa représentation devant le tribunal – étant donné qu’il n’a ni logement ni travail, rien ne l’empêcherait de disparaître dans la nature ; et de prévenir le renouvellement de l’infraction.
Un peu embarrassée, l’avocate se lève
— Même si Ousman F. veut être jugé aujourd’hui, je dois agir au mieux de ses intérêts : il faut renvoyer l’audience et diligenter une expertise psychiatrique. Il a détruit le bien de sa propre mère ! Sa maman a expliqué que ça fait un an qu’il n’est pas dans son état normal, qu’il est en colère, qu’il a des comportements violents. Sa famille a demandé de l’aide à l’hôpital Purpan : il y a été hospitalisé pendant 24 heures. Des personnes de l’hôpital psychiatrique Marchant se sont déplacées pour le voir au début du mois mais il n’a pas été hospitalisé d’office à ce moment-là parce qu’il s’est calmé quand elles sont arrivées.
Sur la détention provisoire, elle précise qu’elle n’a pas spécialement d’observations à faire. Elle constate d’un air fataliste :
— Comme il habitait chez sa mère et que sa famille sollicite une interdiction de contact, il n’y a pas vraiment de solution…
L’avocat de la mère du prévenu prend la parole à son tour :
— Quand sa famille a amené Ousmane F. la première fois à Purpan, ils ne se sentaient pas de demander son hospitalisation d’office, parce qu’ils avaient encore espoir que les choses s’arrangent. Mais aujourd’hui…
Le président ne s’intéresse pas à ces explications et lui demande brutalement quelles sont ses demandes en matière de mesures de sûreté. Un peu déstabilisé, il se borne à préciser que la famille ne veut effectivement plus l’accueillir.
Retour de délibération : le tribunal ordonne une expertise psy et le renvoi l’affaire.
— Même si vous, vous ne l’estimez pas nécessaire, c’est le tribunal qui décide !
Une dame au premier rang pouffe, l’air de trouver ça bien envoyé. La greffière annonce que la prochaine audience se tiendra deux mois plus tard. Deux mois qu’Ousman F. passera à la prison de Seysses, puisque le président ordonne dans le même temps le maintien en détention.
— En l’absence d’un portrait clinique de votre état, vous présentez un état de dangerosité tout particulier.