Toulouse, chambre des comparutions immédiates, octobre 2023
Sami D. comparaît pour une tentative de vol. Il a voulu rentrer de soirée à pied au milieu de la nuit. Complètement saoul et épuisé, il a cassé la fenêtre d’une maison inhabitée pour y passer la nuit.
— Et le lendemain matin, les gendarmes vous ont découvert caché dans un placard, en position fœtale. Ils ont aussi trouvé un sac rempli de bouteilles, de shampoing et de produits alimentaires. Vous avez reconnu les faits en garde à vue, qu’avez-vous à en dire ?
Sami D. explique à la présidente qu’il avait beaucoup bu et qu’il était dans un état second.
— Vous n’avez pas eu la présence d’esprit d’appeler un Uber pour rentrer chez vous ?
Après l’avoir écouté se confondre en excuses, la présidente énumère les dix mentions de son casier judiciaire pour vols, outrages, dégradations, violences et conduite en état d’ivresse. Le prévenu, incarcéré à plusieurs reprises, est sorti de prison cinq mois plus tôt. Elle l’interroge sur ses démarches d’insertion.
— Je suis en contact avec Pôle emploi. Je passe mon permis de conduire avec mes CPF. Je vois un psychiatre une fois par mois à cause de ma dernière incarcération à Seysses. C’était l’enfer là-bas. Depuis, les crises d’angoisse sont de plus en plus fréquentes.
La présidente parcourt l’enquête sociale rapide :
— Vous avez eu une enfance compliquée et vous avez un CAP carrosserie et peinture. Il y a une période où vous avez travaillé régulièrement. C’était avant d’être suivi à Purpan pour des troubles bipolaires. Vous recevez l’allocation adulte handicapé. Quel est votre rapport à l’alcool ?
— Je bois quand j’ai des crises d’angoisse. D’ailleurs, je veux voir le docteur pour adapter le traitement, parce que les crises sont de plus en plus dures.
La procureure se lève pour ses réquisitions. Elle trouve qu’il ne fait pas assez d’efforts :
— Si vous continuez à boire, vous allez passer le reste de votre vie à rentrer et à sortir de prison. Et avec un casier comme le vôtre, vous n’avez plus droit à l’erreur.
Illustrant immédiatement ce constat, elle requiert 18 mois de prison, dont dix mois de sursis probatoire, avec obligation de soin et de travail, et le maintien en détention pour les 8 mois restants.
L’avocat de Sami D. rappelle qu’on l’a retrouvé roulé en boule dans un placard :
— Il n’a pas eu une attitude violente, il est resté caché et silencieux, il a coopéré avec la police. Il a évidemment un gros problème d’alcool, mais il se prend en main, il voit un psychiatre. La prison interromprait les soins, alors qu’une détention sous forme de bracelet électronique lui permettrait de les maintenir.
La présidente et ses deux assesseuses se retirent pour délibérer. Quand elles reviennent, elles condamnent Sami D. à 12 mois de prison, dont 6 mois avec sursis probatoire, avec obligation de soins et de travail. Il fera les 6 mois restant sous bracelet électronique.
La présidente trouve que c’est une peine très raisonnable pour avoir cassé une vitre et presque volé du shampoing :
— Le tribunal vous accorde une chance, mais il y a des obligations. À vous de nous montrer que vous êtes en mesure de les respecter ! Vous ne pouvez plus dire : « Ça ne va pas, je ne veux pas. » C’est vous qui avez les cartes en main.