Toulouse, chambre des comparutions immédiates, octobre 2023
Le tribunal est en effervescence, Dalil B. comparait pour menaces de mort à l’encontre d’une avocate.
« Les rapports avec votre ancienne compagne sont mauvais, surtout depuis que vous avez saisi le juge aux affaires familiales pour faire modifier votre droit de visite. C’est dans ce contexte que vous vous êtes emporté et que vous lui avez dit que vous alliez “mettre une rafale” à son avocate et faire sauter son cabinet », résume la présidente.
— Je regrette vraiment. Je suis tellement fatigué. J’ai un enfant de 2 ans qui est autiste. On passe des nuits blanches. Et des fois j’ai les nerfs qui lâchent. Franchement, ce ne sont que des paroles. Je n’aurais jamais fait une chose pareille.
L’air grave et digne, l’avocate menacée explique avoir porté plainte pour des raisons symboliques :
— Ce qui est insupportable, c’est qu’on touche à la profession d’avocat. Aujourd’hui, c’est moi qu’on menace, mais demain, ce sera peut-être un juge. Or, personne ne doit entraver la liberté de juger.
Son avocat s’avance ensuite à la barre, il intervient aussi pour l’ordre des avocats qui s’est constitué partie civile :
— C’est la profession d’avocat tout entière qui est menacée. Certains ont d’ailleurs payé de leur vie cet attachement à l’État de droit et à la démocratie. Mais je le dis solennellement : jamais nous ne céderons à la peur.
Il demande 1 € symbolique pour chacun, et 600 € de frais de justice.
Le procureur prend lui aussi l’affaire à cœur :
— Je veux avant toute chose assurer que le parquet aura toujours une attitude de fermeté contre ceux qui s’attaquent à l’institution judiciaire. Et il dit qu’il n’aurait jamais mis à exécution ses menaces, mais qu’est-ce que nous en savons ? Il a neuf mentions sur son casier…
Il demande 10 mois de prison ferme dont 6 avec sursis probatoire. Il n’est toutefois pas opposé au fait que la peine soit aménagée.
Quand arrive son tour, l’avocate de la défense commence par s’excuser :
— J’étais de permanence, et quand j’ai été appelé ce midi, on ne m’a pas indiqué que la victime était une consœur. Je ne suis pas sûre que j’aurais accepté si j’avais su. Mais il fallait bien que quelqu’un s’y colle ! Je suis obligée de défendre monsieur, mais je ne veux vexer personne. D’ailleurs je lui ai bien dit : « On fait un métier compliqué, les rapports avec les justiciables sont de plus en plus tendus, on nous manque de respect, c’est déjà suffisamment difficile sans qu’on se prenne ce genre de phrase ! »
Elle finit malgré tout par donner quelques éléments de défense :
— Pour qu’il y ait menace, il faut qu’on sache que celle-ci va être rapportée. Ici monsieur B. ignorait que son ancienne compagne l’enregistrait et que son avocate allait être informée. Et puis sa dernière condamnation remonte à six ans. Puisque sanction il doit y avoir, je propose du sursis. Voilà ce que je veux dire en tant qu’auxiliaire de justice.
La proposition n’est pas retenue par les juges qui condamne Dalil B. à 8 mois de bracelet électronique.