Crédit à la consommation

4 septembre 2024 | Chroniques d’audience

Toulouse, chambre des comparutions immédiates, mai 2024

Esteban B., 23 ans, comparaît pour avoir vendu 60 € de cocaïne et en avoir détenu chez lui une centaine de grammes en récidive. Il a reconnu les faits mais a refusé de fournir aux policiers le code de son téléphone. Le président résume :

— En garde-à-vue, vous avez dit que c’était pour rembourser une dette.

Avant que le prévenu puisse répondre, le président enchaîne :

— Je ne sais pas si c’est par manque d’imagination mais on entend toujours les mêmes choses ! Alors, allez-y, monsieur, expliquez-nous. Ce serait quoi cette « dette » ?

Esteban B. explique qu’il a abîmé une voiture empruntée et qu’il doit maintenant payer 3 500 € pour les réparations.

Le président, après avoir signalé goguenard qu’il était « un peu circonspect » sur ces explications, rappelle que le prévenu a déjà un casier pour des faits similaires : il avait déjà été condamné pour détention non autorisée de stupéfiants en 2020 :

— Et vous avez été envoyé en prison. Vous avez toujours un sursis au-dessus de la tête. Mais apparemment la justice ne vous fait pas peur.

Le procureur a une question :

— Quand est-ce que vous vous êtes arrêté de travailler ?

— En avril.

— Ça veut dire que vous savez ce que c’est que de travailler régulièrement. Vous savez que ça rapporte de l’argent. 3 500 € – si on croit ce que vous dites –, ce n’est pas une somme extraordinaire. Vous auriez pu la régler en faisant appel à un prêt à la consommation.

Il donne obligeamment des exemples sous le regard ébahi du public – « Cetelem, AGECO ou Cofidis » –, avant de conclure :

— La vérité, c’est que c’est plus simple pour vous de vous livrer à un trafic que de faire un prêt !

Il est visiblement content de son idée, parce qu’il la développe dans ses réquisitions :

— C’est assez désolant. Les personnes qui sont poursuivies pour ce type d’infraction ont toujours les mêmes excuses : des difficultés financières, un accident de voiture… Pour les besoins de l’argumentation, on va prétendre le croire. Son premier réflexe est de tomber dans la facilité. [pause dramatique] Je dis ce mot à dessein. C’est plus facile de vendre de la drogue que de travailler. Il faut une peine qui, en termes de coût, soit plus importante que l’avantage qu’il tire du trafic.

Sans nous éclairer sur l’opération mathématique en question, il demande 9 mois de prison avec mandat de dépôt ainsi que la révocation de son sursis en cours.

L’avocate de la défense rappelle qu’Esteban B. est resté à l’écart du trafic de stupéfiants pendant plusieurs années :

— Il en était sorti, il a un logement, il a une capacité d’insertion professionnelle. Ce n’est pas un dossier de gros trafic de stupéfiants !

Elle demande au tribunal d’envisager une peine qui soit au total inférieure à 12 mois de prison « pour qu’Esteban B. puisse bénéficier d’un aménagement de peine sous forme de bracelet électronique ».

Le juge le condamne finalement à un an de prison et révoque le sursis, ce qui ajoute quatre mois à la peine. Il fait à son tour un petit calcul :

— Ce qui fait donc 16 mois de prison avec incarcération immédiate.

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