Toulouse, chambre des comparutions immédiates, avril 2025
Samir M., en détention provisoire depuis un mois, est accusé d’avoir porté des coups de couteaux à Henri S., occasionnant trois jours d’incapacité totale de travail (ITT). Devant le président sceptique, le prévenu affirme que les agresseurs sont Henri S. et ses amis.
— J’ai juste commencé à dire : « Vous savez qu’ici en France… » Il a bombé le torse et il m’a dit : « Quoi la France ? » Et ils m’ont frappé à trois. J’ai eu peur de me faire lyncher.
— Et vous auriez été blessé ?
— J’ai pris des coups sur la tête.
— Ah ! des coups qu’on ne voit pas. À cause des cheveux sans doute…
Dans la salle, des gens ricanent.
Henri S. vient bien volontiers témoigner, solidement campée sur ces deux jambes.
— Avec mes amis, on se rendait dans un établissement de nuit. Je vois cet individu sur un banc. Il vient à notre rencontre avec un air menaçant. Il dit : « J’aime pas ici. Je nique la France. » Il est trop près, j’ai porté un coup parce que je me suis senti menacé. La suite a bien montré que j’avais raison.
Une expertise psychiatrique identifie chez Samir M. « une personnalité paranoïaque et un trouble psychiatrique de nature à provoquer une altération du discernement au moment des faits ». Le président poursuit :
— Selon l’experte, ce n’est pas curable, mais un traitement apporterait de l’apaisement. [Au prévenu] Vous saviez que vous étiez malade ? Est-ce que vous suivez des soins actuellement en prison ? Non ? Bon.
La procureure est outrée :
— Le prévenu ne comprend pas pourquoi ce n’est pas la victime qui est dans le box à sa place !
Il faut, selon elle, écarter sa version sans hésiter : le certificat médical réalisé en garde à vue ne signale ni hématomes ni lésions sur Samir M., alors que la victime a eu trois jours d’ITT ; et la vidéosurveillance prouve que ses amis ne sont pas intervenus. Sans compter que son casier judiciaire présente de nombreuses condamnations : outrages, rébellions, violences conjugales. La procureure mobilise à son tour le rapport de la psychiatre :
— L’expertise est inquiétante : elle conclut à une dangerosité criminologique majeure et une dangerosité psychiatrique !
Elle demande un an et trois mois de prison, suivi de neuf mois de sursis probatoire.
L’avocate revient sur le comportement d’Henri S. :
— En croisant un homme qui soliloque dans la rue, la plupart d’entre nous n’auraient rien fait, mais monsieur, lui, estime être dans son droit, il se sent offensé. Il l’a dit lui-même aux policiers : « Je ne peux pas laisser des propos désobligeants sur la France être tenus, alors j’ai donné le premier coup. »
Elle évoque les problèmes de santé de Samir M. :
— Quand sa mère et sa sœur l’ont amené à l’hôpital psychiatrique, on l’a reçu entre deux portes et laissé repartir en disant qu’il n’y avait pas de problème ! Alors que l’expertise dit qu’il lui faut des soins de toute urgence – qui pourraient être mis en place rapidement avec un bracelet électronique !
Il est déclaré coupable. Le tribunal retient l’altération du discernement au moment des faits, ce qui ne l’empêche pas de prononcer un an et demi de prison, suivi de 6 mois de sursis probatoire.