Renvoi derrière les barreaux

9 octobre 2025 | Chroniques d’audience

Toulouse, chambre des comparutions immédiates, septembre 2025

Dans le box en plexiglas, le prévenu, né en Tunisie il y a 21 ans, a l’air un peu absent. Il comparaît pour des violences et le vol d’une cigarette électronique. Le président lui demande immédiatement où il habite.

— Chez mon tonton.

L’avocate se lève immédiatement pour demander au nom de son client que l’audience soit renvoyée et ajoute qu’une expertise psychiatrique est nécessaire pour pouvoir le juger :

— Monsieur souffre de troubles psychotiques, qui pourraient être le symptôme d’une schizophrénie. Les troubles se sont déclarés quand il a été placé à l’aide sociale à l’enfance, de ses 14 à ses 18 ans. Ils se sont ensuite développés : il a fait des séjours en hôpital psychiatrique et suit aujourd’hui un traitement.

Le renvoi étant obligatoirement accordé en comparution immédiate, le procès aura lieu un mois et demi plus tard. Mais le tribunal doit décider aujourd’hui si le prévenu sera laissé libre en attendant l’audience ou s’il sera envoyé à la prison de Seysses.

Le président lit quelques éléments du dossier :

— Il est actuellement sous contrôle judiciaire, il n’a jamais été incarcéré, son casier ne comporte qu’une seule mention – pour des dégradations. [Se tournant vers le prévenu.] Pourquoi avez-vous refusé de répondre à l’enquête sociale ?

Le prévenu explique qu’il pensait que les choses iraient plus vite.

— Vous êtes arrivé en France en 2018. Votre demande de régularisation est en cours de traitement. Vous n’avez pas de titre de séjour. Vous n’avez pas d’emploi…

— J’ai commencé un CAP dans le bâtiment mais je ne l’ai pas fini.

— Vous consommez de l’alcool ?

— Oui, mais pas souvent.

— Est-ce que vous prenez un traitement ?

— J’ai arrêté le médicament, parce que ça me faisait des effets secondaires. C’était un médicament pour me détendre et calmer mes émotions. Des fois, ça monte.

— Vous savez qu’en demandant le renvoi vous vous exposez à être envoyé à la maison d’arrêt ?

Le prévenu marque une hésitation, mais acquiesce.

— Qu’est-ce que vous en pensez ?

— Je ne sais pas.

La procureure est favorable à un placement en détention provisoire « compte tenu de sa dangerosité » :

— Il est en rupture de traitement et il a agressé des jeunes avec une arme.

L’avocate n’y trouve rien à redire – pas même que la prison de Seysses risque d’aggraver les troubles psychiatriques de son client, et que les détenu⋅es y passent parfois plusieurs mois avant de rencontrer un soignant.

Après s’être retiré avec ses assesseuses quelques minutes, le président revient annoncer le délibéré :

— Le tribunal ordonne une expertise psychiatrique. Monsieur est maintenu en détention en raison de la gravité des faits et de son instabilité personnelle et psychiatrique.

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Tout de suite

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Depuis le box des prévenus, Djamel L. adresse des signes à sa femme, au premier rang, et aux deux adolescents qui l’accompagnent. Le président l’interroge brutalement : « Vous êtes né en 1972 à Alger. Est-ce que vous travaillez ? Non ? De quoi vivez-vous ? »

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Malik H., 22 ans, comparait pour avoir, en état d’ivresse, donné un coup de poing à un passant. Le président l’interroge immédiatement : « Vous êtes SDF, comment ça se fait ? »

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Nullité

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