Toulouse, chambre des comparutions immédiates, juillet 2025
Depuis le box des prévenus, Djamel L. adresse des signes à sa femme, au premier rang, et aux deux adolescents qui l’accompagnent. Le président l’interroge brutalement :
— Vous êtes né en 1972 à Alger. Est-ce que vous travaillez ? Non ? De quoi vivez-vous ?
Le prévenu hésite, le président hausse le ton :
— C’est tout de même pas très compliqué comme question ! Alors ? Vous ne savez pas quoi répondre ? C’est donc que vous vivez du trafic de stupéfiants ! Bon. Voulez-vous être jugé immédiatement ou demandez-vous un délai pour préparer votre défense ?
Comme le prévenu n’a pas l’air de savoir quoi répondre, le président s’énerve :
— Qu’est-ce que vous ne comprenez pas ? Si vous me faites répéter à chaque fois ça va doubler mon temps d’audience. Et ça peut avoir des conséquences…
Un peu affolé, Djamel L. accepte d’être jugé aujourd’hui. Il comparait pour avoir vendu de la cocaïne sur le parking d’un fast-food que des policiers surveillaient.
En garde-à-vue, il a expliqué faire les livraisons depuis 3 mois pour le compte d’un individu dont il n’a pas voulu donner l’identité.
— C’était une période compliquée. Quand quelqu’un m’a proposé ce travail, j’ai accepté. J’ai tout reconnu, j’assume. Je promets que c’est la première et la dernière fois.
— Je vois que vous n’êtes pas en situation régulière. Vous avez déjà été expulsé et vous êtes revenu en 2020 !
Dans ses réquisitions, la procureure convient qu’il a « seulement un petit casier : une amende pour défaut d’assurance en 2015 ».
— Toutefois 240 g de cocaïne, ça représente tout de même 15 000 € de produit ! Et il est en situation irrégulière : il n’a pas de perspective d’emploi. Je vais donc demander une peine importante : 18 mois de prison dont 6 avec sursis probatoire. Avec un mandat de dépôt pour les 12 mois fermes.
L’avocate rappelle que Djamel L. a 52 ans – pendant lesquels il n’a pas commis d’infraction – et trois enfants à charge. Le dernier est d’ailleurs né à Toulouse.
— Et il vient de faire une demande de régularisation. Il devait attendre d’être depuis 5 ans en France avec ses enfants pour pouvoir la faire. Dans son dossier, on trouve une promesse d’embauche dans un supermarché pour faire de la manutention, ou quelque chose du genre. Il y a d’autres possibilités que l’incarcération : vous pouvez assortir l’intégralité de sa peine d’un sursis probatoire ou ne pas mettre de mandat de dépôt de manière à ce qu’elle puisse être aménagée.
Djamel L. est condamné à 18 mois de prison dont 9 avec sursis probatoire. Le tribunal ordonne un mandat de dépôt pour la partie ferme. Le président conclut :
— Voilà Monsieur, c’est 9 mois et c’est tout de suite.
Fin de l’affaire. Sa femme se dirige vers le box et veut saisir les mains de son mari par dessus le plexiglas. Un policier s’interpose et lui ordonne de quitter la salle pendant que Djamel L. est emmené vers les geôles du palais de justice.