Hommage

19 juin 2024 | Chroniques d’audience

Toulouse, chambre des comparutions immédiates, février 2024

Lilian Z. comparaît pour avoir passé des appels malveillants à sa compagne ainsi que pour outrage et rébellion.

— Vous avez 19 ans, vous venez d’avoir un enfant.

— Oui ! Il y a quinze jours.

— Vous vivez chez votre mère à Carbonne. Vous travaillez comme intérimaire.

— Je suis en CDI maintenant.

Le président entend mal. Le prévenu le répète à trois reprises. Dans le public, sa mère s’inquiète qu’il parle trop fort au goût du président : « Doucement ! »

— Vous avez un casier bien rempli : vols, stupéfiants, destruction des biens d’autrui, outrage et rébellion… En décembre 2023, vous avez déjà été condamné pour des violences sur la même victime et vous aviez d’ailleurs l’interdiction de rentrer en contact avec elle.

— Mais on avait envoyé une lettre au juge !

L’initiative amuse le président :

— Une lettre… Et vous pensez que ça vous exonère ? De toute façon, si vous aviez respecté cette obligation, vous n’en seriez pas là ! Vous vous êtes remis ensemble quand vous avez appris qu’elle était enceinte. Votre compagne est venue s’installer avec vous chez votre mère. Mais le 22 février, elle décide de retourner dans sa famille. Sur ce, non seulement vous l’avez appelée une cinquantaine de fois en la menaçant, mais en plus vous vous êtes déplacé là-bas.

— Uniquement pour voir ma fille. Pour passer l’après-midi avec elle.

— Personne n’a osé vous ouvrir. On pouvait penser que vous alliez mettre vos menaces à exécution. Et pendant la garde à vue, vous avez insulté un gendarme : « Nique tes morts », « tête de mort », « t’es con ».

— Je le reconnais, monsieur. Je me suis crispé sur moi-même. Au téléphone, il m’avait promis que j’allais voir ma fille ! Il avait promis !

Le gendarme insulté vient témoigner :

— Quand on l’a appelé, il posait des conditions. Puis, à la gendarmerie il a tenté de se rebeller. Il était nécessaire que je le saisisse par les cheveux : il a essayé de me mordre à la cuisse et a voulu me faire un chassé.

Le prévenu proteste, mais le président écarte négligemment ses dénégations :

— S’ils ont dû vous immobiliser, c’est bien qu’ils n’ont pas eu le choix.

Avant de se rasseoir, le gendarme demande 500 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

L’avocate de la victime annonce que sa cliente ne demande pas d’argent :

— Elle veut juste qu’il prenne la mesure de ses actes, qu’il réalise le stress qu’il lui a causé, alors qu’elle n’avait accouché que depuis quinze jours.

Le procureur commence ses réquisitions par un hommage :

— Les forces de l’ordre sont là pour protéger tout le monde, y compris les délinquants. On ne peut pas dire qu’on soit dans un pays où elles ne font pas leur métier convenablement. L’institution judiciaire doit répondre aux actes commis contre les forces de sécurité intérieure. D’autant plus que le parquet connaît bien Monsieur M. qui est l’un des gendarmes avec lesquels nous avons le plus de plaisir à travailler.

Après cet ode à la gendarmerie, c’est enfin le moment de parler de l’ex-compagne du prévenu. Là, le ton devient condescendant :

— Elle a pensé qu’elle pouvait faire lever l’interdiction de paraître parce qu’ils avaient un enfant ensemble. Et elle n’a pas porté plainte. Peut-être par manque de maturité.

Il n’a pas grand-chose de plus à en dire et revient sur le comportement du prévenu à l’audience :

— Le délinquant moyen a au moins l’intelligence de faire semblant d’être un tout petit peu aimable ! Et puis c’est quelqu’un qui ne reconnaît aucun tort : tout est toujours de la faute des autres. En prison, il va falloir qu’il y réfléchisse plus sérieusement !

Le procureur demande deux ans de prison, dont dix-huit mois de sursis probatoire et mandat de dépôt pour les six mois restants.

L’avocat du prévenu ne revient pas du tout sur ce qui s’est passé à la gendarmerie. Il trouve sans doute plus facile de relativiser la gravité des menaces faites à la jeune femme en évoquant la fatigue que connaissent tous les jeunes parents : « Dans ses moments-là, l’agacement vient vite ! » Il signale aussi que Lilian Z. a respecté les obligations de soins et de travail de son sursis probatoire et qu’il a par ailleurs des garanties de représentation :

— Il est éligible au bracelet électronique. Tout ce qu’il veut maintenant, c’est voir sa fille.

Lilian Z. est condamné à un an de prison avec mandat de dépôt. Ce à quoi s’ajoute une interdiction de contact et de paraître au domicile de son ancienne compagne et à celui de sa mère pendant trois ans. Il doit aussi verser 500 € de préjudice moral au gendarme.

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